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  • Photo du rédacteurSama Queendom

Femmes sénégalaises, sous la poussière des femmes d’Europe

Pendant toute mon adolescence, j'ai entendu des femmes envier les femmes françaises. Envier celles qui se mariaient avec des « Tubaab ». Elles y voyaient un bonheur qu'elles peinaient à trouver dans leurs propres foyers. Pendant longtemps, ces remarques me dérangeaient. Autant je comprenais la douleur de nombreuses femmes sénégalaises, enfermées pour certaines dans des unions où tout est transactionnel et si peu émotionnel, autant je ne comprenais pas la comparaison.


J'ai par la suite voyagé. Et aujourd'hui, cette comparaison ne me dérange plus. Elle me révolte. Je continue pourtant de l'entendre. On dit qu'en Europe, les hommes font la cuisine et le ménage. Les femmes peuvent se reposer, partager les tâches. En Europe, elles reçoivent fleurs et cadeaux. Les pères s'occupent des enfants autant que les mères. La charge mentale est minime. Pourtant, d'après l’Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes, au moins 80% des femmes font la cuisine et le ménage tous les jours. Pour les hommes, ce chiffre tombe à 36% alors même qu'il inclue les hommes célibataires. De plus, ces statistiques n'ont pas évolué en presque 20 ans. Je ne rentrerai pas dans les détails, mais même quand les hommes font leur part, c'est souvent sous le « management » (et donc la charge mentale) de la conjointe.


Il y a quelques années, j'ai travaillé sur des problématiques de Diversité et Inclusion, dans le cadre professionnel. J'ai eu à lire de nombreuses études, notamment sur les inégalités de genre en Europe. Je voyais pour la première fois, à travers les chiffres, que cette image que les femmes sénégalaises se font n'est que mirage, poussière fine.


J'entends, dans mon entourage, des Françaises se plaindre entre amies. Beaucoup ont le même quotidien. La charge mentale, la cuisine quotidienne, le ménage, les mauvaises habitudes des époux au quotidien, les enfants qu'elles ont l'impression d'élever seule. J'en suis triste, mais je souris presque quand certaines de leurs phrases font écho aux plaintes de mes sœurs sénégalaises, qui pensent les Françaises si bien loties.


Je ne dis pas que la situation des femmes au Sénégal est meilleure que celle en France, loin de là. Mon propos n'est pas non plus de critiquer les hommes. Ils subissent aussi, surtout sous nos cieux, leurs propres écueils. Il faut admettre que nous avons des choses qui marchent mieux chez nous, mais aussi d'autres qui ne marchent pas du tout. Nous avons nos réalités et de véritables problèmes de fond à régler. Tellement de problèmes, notamment dans les rapports homme-femme, que j'en ai parfois la tête qui tourne. Mais nous ne pouvons pas les aborder sous le prisme de la comparaison.


Nous nous perdons encore et encore dans ce même imaginaire qui voudrait que tout soit mieux en Europe, plus « civilisé ». Le ciel y serait plus bleu, le vent plus doux. L'une des conséquences de cette comparaison est l'acceptation, passive, de situations parfois révoltantes. À l'aide de simplification excessives, du type « L’homme africain est ainsi fait » ou « les Blancs sont romantiques eux », nous déchargeons ce prototype lointain de « l’homme africain » de toute responsabilité émotionnelle et affective au sein du couple. Rien n'est plus attendu de lui, parce que c'est comme ça et pas autrement. Certaines acceptent ainsi la violence, verbale ou physique. Elles acceptent l'abandon, voire le dédain. On laisse le bonheur aux autres. Que l’Africaine souffre en silence.


Quel dommage. Nous pourrions pourtant en temps que société nous regarder dans la glace. Avant de régler nos problèmes, au moins les appréhender correctement. Sans fausse comparaison, comprendre notre réalité, la voir avec ses spécificités. Pouvoir analyser un jour notre société, sans la comparer à un ailleurs qui ne lui ressemble en rien. Je sais, c'est idéaliste, pour l'heure. Mais pierre par pierre, je ne peux qu'espérer.


Un jour, peut-être.


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