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  • Photo du rédacteurSama Queendom

“Et tu rentres quand en France ?”

Bientôt deux semaines maintenant que je suis de retour à Dakar, après cette troisième année passée en échange universitaire en Angleterre. Avant cela, j’avais passé deux ans en France. Et je dois, inchaa’Allah, y retourner pour le Master.

Et deux semaines, c’est à peu près le temps qu’il faut pour que l’on commence à me poser cette question. Bon, elle ne change pas, elle revient chaque année. Mais ma réponse, elle, change. Si la situation le permet, je préciserai  avec un air taquin «  Ah mais je suis déjà rentrée. Chez moi c’est Dakar. Tu voulais plutôt dire ‘retourner’ non ? ». Bon j’avoue, je le dis avec l’air de plaisanter, mais je tiens vraiment à cette distinction.

Je ne peux pas m’en empêcher, même mon corps réagit à cette question. Mes yeux se plissent comme deux Fataya mal garnis, et je regarde la personne en face avec un air suspicieux. Comment ça « rentrer en France » ? Il m’arrive aussi parfois de répondre subtilement «  Je retourne en France dans X mois ». La personne sourit alors à ma rectification. Souvent en haussant les épaules, l’air de dire « ah, mouai, rentrer/retourner, elle veut me fatiguer à corriger et jouer la prof de français, alors que c’est pareil ».

Il se trouve que pour moi, pour mon Cœur, c’est très différent.

Une fois que l’on quitte le Sénégal pour l’Europe, il y a pour beaucoup une étiquette qui nous tourne autour, si vous n’y aviez pas déjà droit avant. Je vous en avais déjà parlé, l’étiquette du Toubab Bu Null. Et parfois cela tire vers fameux problème, où vous êtes vu comme étranger partout. En Europe comme chez vous. Dieu merci je n’en suis pas encore là.

Mais lorsque l’on me pose cette question justement, j’ai la petite impression de tirer vers cela. Je me vois comme une étrangère dans les yeux de l’Autre. Alors qu’à mes yeux, et surtout dans mon cœur, this is where I belong.

La chose est que, quand moi je suis en Europe, je garde toujours en tête que c’est temporaire. Je me rassure en me le répétant, je me sens évidemment influencées par mes expériences multiples, mais le Fond ne change pas, l’Amour du pays ne change pas. Mon malaise quand je suis ailleurs subsiste, même lorsqu’il se contente d’être en arrière-plan, même lorsque je suis heureuse et que je mesure l’opportunité que j’ai chaque année de m’instruire et de grandir. Mais les « autres » ne voient bien sûr pas tout cela, ils ne voient pas ma Certitude, ma profonde conviction : ici c’est chez moi et cela le sera toujours.

Et lorsqu’enfin je rentre, après neuf longs mois à rêver de Dakar, je refuse de penser au prochain départ. Ce «  tu rentres quand ? » c’est aussi comme une petite piqure. Une petite voix qui dit « Tu dis que tu te vois juste comme ‘de passage’ en Europe mais pour les gens d’ici, c’est à Dakar que tu es de passage en ce moment. Tu vas repartir, encore une fois… ».

Ce sont les moments où je me rappelle que je suis plus présente ailleurs que près des miens, que je viens pour repartir. Instable. Depuis trois ans maintenant, peu importe la pièce où je dors, il y a toujours trois valises dans un coin. J’ai changé de ville ou de pays chaque année. J’en suis au sixième déménagement en bientôt trois ans. Le septième se fera dans quelques mois inchaa’Allah. Le huitième sûrement l’année suivante.

Et parfois il faut un peu de temps pour réaliser. Quand je regarde la météo à la télé, et que je vois l’Angleterre, j’ai du mal à réaliser que j’ai passé un an de ma vie aussi loin. Je regarde l’océan autour, et je me dis «  Quoi, j’ai vraiment vécu là-bas ? ».

Je repense à la Marième de 17 ans, qui préparait le bac. La Marième qui ne voulait pas quitter le Sénégal à la base, qui n’avait aucune envie de partir en France. La Marième qui ne l’a pas cru elle-même quand elle a finalement été prise à Sciences Po. Cette Marième là n’aurait aussi jamais cru en être à son septième déménagement.

Et c’est tant mieux. C’est normal que rien n’ai été entièrement prévisible. C’est beau de pouvoir autant bouger. Mais parfois j’oublie que j’ai changé, évolué. J’oublie qu’aux yeux de certains, c’est chez moi que je suis de passage. J’oublie de prendre le temps de souffler aussi, mais Dakar aide pour cela.

Et le plus important, c’est que je n’oublierai jamais qu’un jour inchaa’Allah les valises seront rangées. Qu’un jour je n’aurai plus besoin de toujours prendre un vol aller-retour. Il y aura un Paris-Dakar, sans Dakar-Paris. Un jour je pourrai dire que je suis finalement rentrée.

*** Mood du Jour ***

Avant mon Mood du Jour, je tenais à m’excuser de mon absence ces deux derniers mois.  Vous savez bien, il y a ces moments où il faut un peu de recul pour apprécier ce que l’on a et mieux revenir. Et j’ai pris le temps d’apprécier de loin. Je remercie aujourd’hui chaque personne qui passe sur ce blog, chaque personne qui partage avec moi son expérience personnelle.

Alors dans la même lignée, je partage avec vous la mélodie qui tourne en boucle dans mon salon depuis près d’une heure : «Je serai là » de Locko. C’est simple, je suis sous le charme de ce chanteur camerounais, et j’ai toujours adoré écouter les camerounais chanter, leur rapport pluriel aux langues.

Enjoy.


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